L'écoute du collectif Serendipity constitue un voyage à la fois musical et sonore; sonore surtout parce qu'il ouvre nos oreilles engourdies, à de nouvelles textures de bout en bout.
La technologie permet cette alchimie, ces mélanges, ces productions, et c'est tant mieux. Nous ne referons pas l'inutile procès des musiques synthétiques, réputées froides, déshumanisées, dépourvues d'émotions.

L'écoute de ce CD vous convaincra du contraire: une musique au service de la créativité et de l'émotion des musiciens, émotion qu'ils parviennent à nous faire passer sans difficulté.

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Serendipity est un collectif à géométrie variable. Ici, Daniel Palomo Vinuesa et Stefano Cavazzini, qui n'en sont pas à leur première création, partagent l'affiche.Daniel Palomo joue des sax et de l'Ewi, et Stefano Cavazzini du piano, des percussions,
et tous deux composent, programment et mixent les morceaux avec leur Personnal Computer. On est surpris par l'extraordinaire diversité des paysages que cette musique suscite en nous , images mentales d'espaces inconnus, de panoramas magiques, poétiques, éthérés.
On voyage dans ces univers sans lassitude aucune, de plage en plage, traversant des espaces éblouissants, mais parfois aussi plus étranges et plus inquiétants,...On succombe au charme de ces climats fascinants qu'on a plaisir à réécouter.Plusieurs écoutes du CD permettent, en effet, de s'étonner, et de traquer pleinement toutes les subtilités contenues dans chaque composition. Un riff, une phrase qui se répète, une progression d'accord, une harmonie particulière, un timbre caractéristique, mais pas

d'ostinato entêtés et pesants; plutôt des formes de jalons qui guident l'écoute pendant le déroulement du morceau,et s'articulent en une syntaxe toujours repérable et pertinente. Le CD de Serendipity s'ouvre avec un hymne joyeux, éclatant, impertinent, à l'image d'un tableau d'Eric Satie.

Y a t'il de la vie sur terre? (mp3) Oui, elle est présente, elle se cherche, s'organise, se rassemble, progresse au fil du temps; des voix, du baryton, survient une ligne de basse déambulante, bon enfant; une effluve de synthétiseur, et le décor est planté pour un élégant chorus de balais (la vie aime la propreté), quelques volutes lumineuses du soprano puis le dialogue de l'orgue céleste avec un violoncelle. La vie est sereine et protéiforme.

Au départ était l'improvisation libre, totale, puis les musiciens ont su conserver et organiser le meilleur de ces découvertes, ce qui s'accordait le plus à leur sensibilité. La forme des morceaux est suffisamment ouverte pour laisser une certaine liberté du jeu aux musiciens, sans être pour autant négligée : des événements musicaux divers, plus que des "thèmes", (au sens jazzistique) constituent la structure des morceaux.

Heure grave : Une quête spirituelle, une initiation, avec des hommes, des femmes, et des enfants chantant au son de l'accordéon. Le chaman du groupe, qui maîtrise le sax soprano avec bonheur, montre la voie à suivre.
 
L'ère du numérique est proche avec ce Tango circolare. Syncopes, lancinance des sons graves du piano.
Sur la dernière plage, sans nom, (plage 14) la nature reprend ses droits; un piano cherche des notes, invitation à l'introspection; le temps résonne, un carillon égrène des heures, la mer projette doucement son écume. Ce disque est un petit bijou regorgeant d'idées, (d'images!), de savoir-faire, d'émotion, de sensibilité. Il intéressera certainement les mélomanes, les curieux, tous ceux qui se passionnent pour les nouvelles musiques, pour la musique tout simplement, les défricheurs de tous poils, ceux qui souhaitent élargir leurs horizons sonores et musicaux.
Il constitue un véritable bonne surprise.
On va même dire qu'il fait partie, à mon avis, des indispensables de l'année 2000.
Guy SAVIO, "Jazz et musiques improvisées", le 3 janvier 2001.
http://www.fullvoices.com
http://perso.infonie.fr/guysavio